La Troisième Place ouvre le centre commercial à l’action sociale à Roubaix
Dans l’une des villes les plus pauvres de France, la Société des Grands Magasins prend l’initiative d’ouvrir, au cœur de son centre commercial Espace Grand’Rue, un «tiers-lieu » inédit et convivial. La Troisième Place accueille les associations et tous les acteurs de l’éducation, de l’insertion ou de l’emploi impliqués dans l’accompagnement social et l’intégration des jeunes.
Daniel Bicard
\ 14h16
Daniel Bicard
Sept-cents mètres carrés où nul «produit de grande consommation » à la mode, gourmandise ou accessoire «instagrammables » ne se vend, ni ne s’achète ! Mais 700 m² où vont cohabiter, échanger, «phosphorer » des acteurs de l’action sociale aussi variés que les associations locales, les animateurs et entreprises et autres porteurs de projets. Telle est la Troisième Place, «tiers lieu » inédit en France, inauguré le lundi 12 octobre à Roubaix, au cœur du centre commercial l’Espace Grand Rue. Ceci à l’initiative de la Société des Grands Magasins (SGM), spécialisée dans l’acquisition ; l’optimisation et la gestion de centres commerciaux d’hyper centre-ville, en partenariat avec l’association la Cordée Éducative. Repris en 2018 par la SGM, le centre commercial Espace Grand’Rue, développe plus de 35 000 m² et accueille plus de 3,9 millions de visiteurs annuels. «Agir pour l’inclusion n’est a priori pas le domaine dans lequel on attend un promoteur commercial comme la SGM, déclarait Frédéric Merlin, son P-DG. Pourtant, je suis entrepreneur depuis l’âge de 20 ans et comme beaucoup, particulièrement dans cette région dont nous connaissons tous la fibre sociale, je suis convaincu que les entreprises se doivent aujourd’hui d’avoir un engagement sociétal fort. L’origine même de mon entreprise, et sa stratégie de développement, trouvent leur point de départ dans la volonté de répondre à la problématique de la perte de vitesse des centres-villes des villes moyennes et aux conséquences négatives qu’implique ce phénomène ».
Etre au plus près des citoyens
Sur 700 m² aux vitrines donnant sur le mail, la Troisième Place comporte un café familial, un espace de coworking, une cuisine collective, une ludothèque, un espace de travail partagé, une salle événementielle de 100 m², et trois bureaux à louer. L’installation représente un investissement d’environ 200 000 €. Ce tiers lieu se donne pour vocation « d’accompagner les adolescents et jeunes majeurs en situation ou en risque d’exclusion sociale, professionnelle, familiale et sanitaire au nom de l’égalité des chances. Et valoriser l’émergence de projets innovants en faveur de l’éducation, de la famille et de l’inclusion des jeunes » explique le communiqué d’inauguration. Il s’agit aussi d’aider «les enfants totalement ou partiellement déscolarisés pour des raisons de situation de handicap au nom de l’inclusion ; de soutenir les familles en difficulté au nom de la prévention et du soutien à la parentalité ». Pour Jean-Claude Michel, président de la Troisième Place, « investir cet endroit, c’est donner un rendez-vous et faire une promesse. C’est donner du sens à l’action. C’est inventer de nouveaux paradigmes où le social, le sociétal et l’entrepreneuriat se rejoignent dans un modèle vertueux. C’est aussi participer à la revitalisation du centre-ville, être au cœur et au plus près des citoyens et de leur quotidien ».
Un lieu multi-vocationnel
Concrètement le lieu offre ses espaces de travail partagé aux membres d’associations, aux porteurs de projets aux travailleurs sociaux, télétravailleurs ou autres acteurs indépendants… Doté d’une connexion wifi, ce tiers-lieu ménage des espaces semi-clos pouvant accueillir des groupes de travail ainsi qu’une aire numérique. « On s’y installe pour une heure, une journée, une semaine, un mois … en espace collectif et/ou privatif ». Il est également possible de louer un bureau de 12 m², à l’heure ou à la journée. Une programmation d’ateliers thématiques, de familiarisation au numérique, de développement personnel peut étayer les initiatives. En prime, la Troisième Place Roubaix dispose d’un lieu événementiel de 100 m² modulables pouvant accueillir séminaires, formations, expositions, etc. Au café coworking on pourra échanger et exposer ses retours d’expériences. Au sein des 230 m² du café familial, « chaque Roubaisien, venu seul ou en famille, est invité à faire une pause autour d’un café, échanger, jouer, se détendre, inscrire son enfant à un atelier pour bénéficier d’un temps pour soi, etc… ». Une ludothèque ainsi qu’une bibliothèque dédiée à la jeunesse et à la famille viennent enrichir ce café familial. Le partage «cooking » est permis sur les 30 m² d’une cuisine participative. Les visiteurs pourront aussi profiter d’une offre de petite restauration à prix bas et d’une garderie ponctuelle. Boutiques éphémères et solidaires, forums, permanences, actions de prévention, etc. peuvent également prendre place. Dans la foulée de l’inauguration, deux associations locales ont déjà investi les lieux : Proxité, qui accompagne et parraine des jeunes issus de territoires en difficulté ; et AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville), qui lutte contre les inégalités.
Pourquoi Roubaix
Cela a aussi un sens que l’initiative de la Troisième Place naisse à Roubaix. L’ancienne cité mondiale du textile qui a connu un essor économique sans précédent, a dû ensuite surmonter l’époque de ses délocalisations d’usines dans les années 80. « La ville qui compte près de 100 000 habitants souffre d’un taux de chômage avoisinant les 31%, chiffre le communiqué. On dénombre pas loin d’un habitant sur deux vivant sous le seuil de pauvreté, ce qui en fait l’une des villes les plus pauvres de France ». 80 % des enfants en situation de handicap sont déscolarisés ; 33 % des parents se disent en difficultés éducatives régulières ; et le taux de prises en charge par l’aide sociale à l’enfance s’est accru de 30 % en 10 ans. Ce à quoi les institutions roubaisiennes ont répondu par une politique de redynamisation renforçant la présence des étudiants sur le territoire en accueillant de Grandes Écoles, et le développement de nouvelles filières économiques (numérique, créative et culturelle...).
Un concept destiné à essaimer
Sur la question de l’équilibre économique de cette initiative, les créateurs précisent que « la Troisième Place mixe différentes sources de financement en propre. Elle est économiquement autonome et ne bénéficie d’aucune subvention. Grâce à la location de ses espaces partagés, de son lieu événementiel, aux indépendants, télétravailleurs, entreprises, etc., la Troisième Place Roubaix sera en mesure de dégager des ressources propres qui feront vivre les autres espaces ». Cette première… Troisième Place Roubaix s’annonce en «figure de proue d’un concept à développer à long terme ». Dans un premier temps, dans d’autres centres commerciaux détenus par la SCG, puis « plus largement en fonction des demandes de collectivités, de bailleurs, etc ».
L’inauguration du lieu
L’inauguration de la Troisième Place, le lundi 12 octobre à Roubaix, avec (de gauche à droite) : Frédéric Merlin, président de la Société des Grands Magasins; Laetitia Michel, directrice générale de la Troisième Place; Guillaume Delbar, maire de Roubaix; Khédidja Beldi, de l'association la Cordée Educative, et Karl Cottendin, directeur des Opérations de la Société des Grands Magasins.
Un décor cosy