Enquête : un demi-million d'emplois au service de l'immobilier commercial

Le poids des centres dans l’économie française – avec plus d’un demi-million d’emplois – est tout aussi méconnu que la variété des métiers offerte parce secteur de l’immobilier. Car c’est affaire d’architecture, de marketing,de commercialisation, de développement durable, de sécurité, de sociologie, etc. que d’édifier, au-delà de simples lieux de shopping, ces maillons urbainsde la France de demain, en perpétuelle évolution.

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Enquête : un demi-million d'emplois au service de l'immobilier commercial

Le parc des centres commerciaux en France

  • 836 centres (hors retail parks)
  • 18 millions de m² de surface commerciale utile 
  • 38800 commerces
  • 129 Mrds € de CA TTC

Source : CNCC, Observatoire des sites commerciaux, données à fin 2019

Certains sont arrivés aux métiers de l’immobilier commercial par hasard, mais tous y sont restés par passion ! Parmi les moins connus des débouchés ouverts aux jeunes diplômés, l’univers des centres commerciaux recèle, en effet, un éventail de carrières, ouvre des horizons de compétences, conjugue les contraintes du « physique » et les tendances du retail, concilie le pragmatisme très concret et les intuitions les plus visionnaires, avec une réjouissante maestria!

LSA estimera avoir pleinement réussi ce ­numéro spécial, dédié aux postes et aux fonctions dans les centres commerciaux, si sa lecture peut susciter des vocations chez les étudiants. Justement, «sortant de l’Essec (École supérieure des sciences économiques et commerciales, NDLR), je ne soupçonnais pas la richesse de ces métiers, raconte Manuel Tessier, directeur général adjoint chargé de la gestion des actifs français de la foncière Apsys. La gestion opérationnelle sur site n’était pas dans les standards des débouchés de l’école. Jusqu’au jour où, alors qu’un dirigeant de centre me décrivait ses missions, j’y retrouvais celles de mon père… maire de village ! Ce challenge m’a d’emblée séduit. Débutant comme directeur adjoint de centre aux Quatre-Temps la Défense, j’ai ensuite pris la direction de Place d’Arc, à Orléans. Et je me suis retrouvé, à 26 ans seulement, à la barre d’un établissement majeur de la ville ! Dans la banque ou le marketing, on se projette dans la société, mais sans y œuvrer vraiment. Alors que dans l’univers des centres commerciaux, on interagit avec les enseignes, les clients, le maire, les chambres de commerce, les associations locales… »

De vraies entreprises commerciales

De quoi susciter un épanouissement professionnel et personnel. « Nous sommes des opérateurs de l’ombre qui faisons des choses fantastiques dans l’un des secteurs de l’économie les moins connus, l’immobilier tertiaire, le pendant caché de la promotion résidentielle plus familière au quotidien des Français, souligne Éric Ravoire, directeur général délégué de Galimmo pour la France, la Belgique et le Luxembourg. Et pourtant, quelle pluridisciplinarité dans nos missions ! Elle tient au fait que nous avons deux types de clients. Ce sont, côté B to B et en amont, les enseignes et, au final, les consommateurs en B to C. Avec, entre les deux, le vaste patchwork de fonctions ­indispensable à notre industrie : architectes, asset managers, commercialisateurs, juristes, professionnels de la sécurité, de l’environnement, etc. Toute notre originalité est de ne pas vendre de “l’immatériel”, au rebours des nouvelles économies, mais de contribuer très concrètement à l’aménagement des territoires. Ce qui nous confère une vraie responsabilité sociétale. »

« Sous quelque angle que vous approchiez un actif immobilier, il vous ouvre les portes vers des thématiques les plus variées, énonce encore Manuel Tessier. Techniques, si l’on parle de développement durable ; juridiques et financiers, sous l’angle des baux, des transactions ou des contentieux ; urbanistiques comme maillon des cités de demain… Et c’est encore vers le marketing, la sécurité, les réseaux sociaux que rayonnent les champs de compétences autour des centres. Il n’y a que l’immobilier commercial pour démultiplier ainsi les talents. »

Et se réinventer sans cesse. Car « ces métiers recèlent encore une dimension artisanale, affirme Gontran Thüring, délégué général du CNCC (Conseil national des centres commerciaux). Chaque centre inscrit dans son territoire demeure un prototype unique, qui fait de nos missions l’antithèse d’une industrie à la chaîne toute dédiée aux temples de la consommation, comme on a longtemps décrit nos sites ».

Ce serait donc une méprise de taille de réduire l’immobilier commercial à un grand Meccano édificateur de « boîtes à magasins ». « L’aboutissement et l’extrême intérêt de notre industrie est de conjuguer la propriété de lieux “physiques” avec les fondamentaux de la consommation et de la distribution, en perpétuelle évolution, analyse Ludovic Castillo, président du directoire d’Altarea Commerce. Nos centres sont depuis longtemps passés d’une ­logique d’offre la plus simple à des positionnements marketing comparables à ceux des marques, car conçus en symbiose avec les exigences des clients. Et nos méthodes de travail ont évolué en même temps ! Finie la gestion “au tableau Excel” ! Nous recrutons nos directeurs marketing dans la distribution ou les grands magasins. Nous élaborons des plans merchandising d’enseignes à l’égal de ceux des convenience stores. Nous recueillons les données pour savoir d’où viennent et qui sont nos clients. Les centres commerciaux se gèrent en véritables entreprises commerciales. »

Des possibilités d’évolution

Autre méconnaissance qui exige du CNCC un « lobbying » incessant auprès des pouvoirs publics, et jusque dans les ministères : les centres commerciaux se révèlent être, aussi bien par les emplois qu’ils créent que les flux marchands qu’ils aimantent, des viviers de l’économie. Des creusets multiprofessionnels, intergénérationnels et intercommunautaires, comme il n’en existe guère sur le territoire. « Ces centres recrutent parmi les populations les plus en difficultés face à l’emploi : femmes, jeunes, personnels peu ou pas qualifié, souligne Dorian Lamarre, directeur des affaires publiques du CNCC. Et, qui plus est, en créant des emplois locaux, non délocalisables, non précaires puisqu’ils sont à 95 % en contrat à durée indéterminée, à temps complet pour la majorité. » L’âge moyen du salarié travaillant en centre commercial est de 36 ans, soit deux ans de moins que la moyenne nationale.

Tel arrivé « en bas de l’échelle » peut trouver des opportunités de progression vers des postes plus qualifiés, ce qui fait aussi du centre un « ascenseur social » comme ne le sont plus toutes les entreprises aujourd’hui... « En proposant à leurs personnels des formations leur permettant de développer et reconnaître leurs compétences, les centres commerciaux contribuent à améliorer le statut social de leurs salariés, argumente Gontran Thüring. Ils mettent en œuvre des partenariats avec les missions locales de Pôle Emploi, créent des relais permettant d’insérer des populations en difficulté ou sans qualification et s’engagent pour favoriser l’emploi local. » En tout, ce sont quelque 525 000 emplois directs et indirects – intégrant les vendeurs en magasins – que procure l’industrie des centres commerciaux. Avec la création annuelle moyenne de 15 000 postes.

Si la passion habite les artisans d’une telle corporation économique, ceux-ci doivent, en écho, disposer de qualités humaines et même de « dons » essentiels pour conduire les projets sur des chemins souvent escarpés et semés d’embûches de l’immobilier. « Quand je recrute, je ne cherche pas forcément des sachants, mais des candidats qui ont de la curiosité et de l’intensité dans le regard », confie Éric Ravoire, de chez Galimmo. « Trois mots clés doivent animer les concepteurs et gestionnaires de centres : audace, créativité, innovation, confirme Taous Sidi Saïd, directrice des ressources humaines de Compagnie de Phalsbourg. Réhabiliter les entrées de villes, c’est du concret . Mais cette stratégie implique aussi la capacité à se projeter, à développer ses facultés d’intuition et de disruption pour bâtir la France de demain. Nous sommes aussi des vecteurs d’émotions ! L’art de concevoir de nouveaux lieux mixtes peut s’apparenter à la haute couture, la réalisation artistique ou cinématographique. Ne parle-t-on pas de story telling érigeant nos sites en “parenthèses enchantées” où nous avons la prétention de rendre la vie plus belle, le temps de la visite. Il faut en mettre plein les yeux des clients pour qu’ils viennent. Et reviennent, surtout ! Pourtant, cette passion doit se conjuguer avec une autre qualité, qui pourrait lui paraître antinomique : la patience. Car il faut du temps pour aboutir et voir nos projets sortir de terre. »

De fait, « nous travaillons dans un temps long, très long même, qui peut atteindre dix à quinze ans, confirme Anne-Sophie Sancerre, directrice générale centres commerciaux France d’Unibail-Rodamco-Westfield. Aussi faut-il savoir user de conviction pour emporter l’adhésion de tous les acteurs économiques et les élus. Nos métiers allient cette approche visionnaire avec de réels talents relationnels pour convaincre et démontrer, sans cesse, que nous travaillons d’arrache-pied à la qualité de vie future de nos concitoyens ». 

Un vivier d’emplois
  • 525 000 emplois (directs et indirects) dans les centres commerciaux (CC)
  • 450 000 emplois directs répartis entre les différents commerces des centres et les équipes gestionnaires des sites
  • 2 200 à 2 600 salariés travaillant à la direction de centres (trois à six postes par centre, selon leur taille)
  • Plus de 70 000 emplois indirects liés aux travaux de construction, rénovation ou entretien des sites, à la sécurité (plus de 10 000 emplois), à l’animation ou à la communication des centres (prestataires de services, agences, etc.), ainsi qu’aux activités saisonnières
  • Plus de 36 000 : le nombre de commerces installés en centres commerciaux
  • 26 % : la part des CC dans le total des emplois du commerce de détail
  • 560 : le nombre moyen d’emplois par centre commercial en France
  • Il est 3,4 fois supérieur à cette moyenne dans les centres commerciaux « super régionaux » avec près de...
  • ...1885 emplois en moyenne
  • Un emploi sur deux en hyper est abrité dans ces centres
  • 52 % : la part que les hypermarchés représentent dans le total des emplois en centres commerciaux
  • ...Le prêt-à-porter... : 32 %
  • ...Les loisirs... : 30 %
  • ...Les chaussures -maroquinerie... : 27 %
  • ...L’hygiène-beauté et soins : 18 %

Ce que développent les disciplines de l’immobilier commercial…

  • Une multidisciplinarité avec une chaîne ininterrompue de métiers incluant architecture, construction, expertise juridique, finances, commercialisation, marketing, développement durable, réseaux sociaux, etc.
  • Une vision globale au service de clients B to B (les enseignes) et B to C (les consommateurs), impliquant aussi la troisième strate des élus locaux, représentants de la ville et des territoires.
  • Des emplois directs et indirects, en centres commerciaux et en magasins, locaux et non délocalisables, en temps complet, intégrateurs de populations jeune, féminine, peu qualifiée.
  • Des possibilités d’évolution dans ce large éventail de missions.
  • Une implication sociétale en contribuant à la conception de la ville et de la vie de demain.
Des postes jeunes, féminins, stables
  • 65 % : la part que les femmes occupent dans les emplois en commerces dans les centres commerciaux
  • 62 % : la part que les salariés de moins de 35 ans représentent dans les emplois en commerces dans les centres commerciaux (contre 39% en moyenne dans la masse salariale française)
  • 95% : la part des emplois en CDI, contre 86% environ dans la masse salariale française (donnée à date de l’étude)
  • 69% : la part des emplois à temps complet
Des politiques d’intégration sociale
  • 55 % : la part des commerces en centre offrant des stages aux étudiants et jeunes en formation
  • 69 % : cette part atteint pour les enseignes nationales
  • 50 % : la part des directeurs de centres déclarant favoriser l’emploi de la population locale, venue de la zone d’implantation de leur centre
  • 40 % : la part des commerces en centre offrant des ‘‘jobs étudiants’’. Cette part atteint 59% pour les enseignes nationales
  • 39 % : la part des directeurs de centres déclarant avoir mené des actions ou accueilli des événements en faveur de l’emploi dans leur centre
Sources : Conseil national des centres commerciaux : « Les centres commerciaux, créateurs d’emplois et de lien social ». Dernière étude exhaustive en date, publiée en mars 2017. Sur la base de plus de 300 interviews de directeurs de centres et des directions RH des enseignes réalisées par SAD Marketing. Sur la base de 806 centres au moment de l’étude.

… Les capacités qu’elles réclament

  • De la créativité et de l’audace pour apporter du neuf, supplanter la concurrence géographique des autres centres et celle immatérielle des circuits de ventes en ligne.
  • Une approche visionnaire pour anticiper des besoins et des équipements très en amont de leur mise en service effective, se chiffrant en années.
  • De la patience, face à ce « temps long » des projets immobiliers, avec des échéances de sortie de terre courant jusqu’à dix ou quinze ans.
  • De la pugnacité pour surmonter tous les aléas administratifs, contentieux, économiques, sociétaux – comme la crise du coronavirus – qui ponctuent le « parcours du combattant » des promoteurs.
  • De la force de conviction pour entretenir et emporter l’adhésion des parties prenantes, partenaires et pouvoirs publics sur le long chemin de l’immobilier commercial.
Sophie Vatté-Refes (Directrice générale - DVA Executive Search (*)) « Être à l’écoute et anticiper les métiers de demain »

LSA – Quel est le propre des métiers attachés à l’univers des centres commerciaux ?

Sophie Vatté-Refes – Le commerce est, par définition, un secteur d’activité en constante évolution au cœur de l’humain qui, de ce fait, est systématiquement impacté par les crises remettant en cause les modes de consommation. Aprèsle retail bashing, le commerce s’est retrouvé avec l’épidémie de coronavirus face à une crise sans précédent. Les professionnels de ce secteur vont devoir à nouveau relever de nouveaux défis. Leur animation réside dans la passion et le dynamisme que leur confère cette classe d’actifs.

Y a-t-il des profils davantage recherchés ?

S. V.-R. – Les profils évoluent également en fonction des cycles et des besoins du métier. Celui de la négociation commerciale n’en est qu’un exemple. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de remplir des cellules, mais de travailler la commercialité avec une vision à 360 ° à court et moyen terme, en équipe projet. Avec, à la clé, un merchandising étudié, un marketing élaboré, des analyses d’actifs, l’étude de nouvelles enseignes et marques, des start-up, des pop-up, des loisirs, etc. Chaque centre doit avoir sa propre identité. Les commercialisateurs doivent apporter une nouvelle vision, faire preuve d’agilité pour attirer des marques inédites, en France, comme à l’étranger. Des profils web et marketing venus de sites marchands, d’acheteurs retail, etc. sont tout particulièrement appréciés. Et, depuis la crise, des profils d’analystes investissements, d’asset managers sont également sollicités.

Comment voyez-vous l’évolution du secteur ?

S. V.-R. – Il faut, plus que jamais, être imaginatif et réactif. Continuer à appréhender de nouveaux talents qui vont bousculer ce secteur et lui permettre de se réinventer. Oser, apporter et développer de nouvelles compétences issues d’autres secteurs d’activité, d’autres « continents » qui, inévitablement, se trouvent à la croisée des activités commerciales.

(*) Spécialisé dans le conseil et la « chasse de tête », DVA Executive Search suit tous les métiers de l’immobilier et de la construction

 

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